Editorial

Au seuil de ce nouvel an,  les Evêques du Tchad ont appelé à construire  dans l‘unité la maison commune qu’est le Tchad. Au rang des entraves à ce vœu, la recherche d’intérêts égoïstes, la monopolisation de I’argument de la force, le refus de combattre l‘ignorance et la pauvreté qui menacent I‘existence de certaines couches de la population. Les réalités du terrain nous apprennent que dans nos localités de province, I‘utilisation de certaines couches de la population à des fins policières n’encourage pas également la réalisation de ce souhait. Une illustration : lors d’un marché hebdomadaire en rase campagne, nous posons quelques questions aux gens et prenons quelques photos des scènes du marché. Un jeune homme surgit et nous somme d’arrêter. Il vocifère tout en ameutant la foule. Nous sommes appelés un corps étranger ! Sans nous laisser impressionner nous continuons comme si de rien n’était. Mais cinq minutes plus tard, un homme, la trentaine environ, nous accoste, flanqué du jeune de tout à I‘heure. Il s’enquiert de notre identité, se confond en excuses pour I‘incident causé par « ce jeune qui ne connaît rien ».

Des jeunes qui ne connaissent rien comme celui-là, il en existe des millions dans ces milieux. Ils sont des centaines de milliers à s’entasser sous des abris de fortune pour « suivre des cours » dans des établissements « communautaires ». Ils sont aussi nombreux à quitter très tôt les bancs de ces écoles, à se marier pour assurer leur propre survie et celle de leurs parents, ou à abandonner leurs villages faute perspectives rassurantes ! Mais, nous avons aussi vu de très nombreux autres jeunes et vieux qui continuent dignement à gagner leur vie et à poursuivre leur formation dans des conditions les plus difficiles. Le développement du pays ne peut être assuré dans le doute et le désespoir. La crise socioéconomique a engendré de graves perturbations dans les secteurs sociaux avec des conséquences très désastreuses sur les conditions de vie des populations les plus vulnérables que sont les jeunes, les femmes, notamment du monde rural. Cependant, I‘administration publique semble totalement absente, sauf dans le domaine de la sécurité où tout inconnu inspire la peur.

Au seuil de cette année nouvelle, nous formulons les vœux que les pouvoirs publics et acteurs sociaux parviennent à un véritable sursaut patriotique et à insouffler un souffle nouveau pour le développement du pays. Après avoir matérialisé dans le projet de la Loi de Finance 2019 son engagement à concéder 15% des AGS à ses agents, conformément à I‘accord signé avec la plateforme intersyndicale revendicative, le gouvernement veillera aussi à ce que la bonne gouvernance et I‘Etat de droit s’instaurent véritablement dans tout le pays. Car non seulement les jeunes sont sacrifiés aujourd’hui, mais il leur reviendra la lourde responsabilité de payer les conséquences des gabegies actuelles. Mais avec quelles ressources s’ils n’accèdent pas à la bonne instruction, à la santé ou à la bonne alimentation ?