Le Curé de la Paroisse Saint Isidore Bakandja de Walia Goré, dans la commune du 9ème arrondissement de N’Djamena a été enlevé le lundi 5 août 2024, tard soir au sein de sa Paroisse. Mais si le porte-parole du gouvernement parle d’une arrestation régulière, le procureur de la République, près le tribunal de grande instance de de N’Djamena Oumar Mahamat Kedelaye a indiqué de son côté qu’aucune plainte n’a été enregistrée contre le prêtre.

Il est plus exactement 19 heures moins le quart lorsque des hommes au bord de 4 pick-up aux vitres teintés ont fait irruption à la paroisse Saint Isidore Bakanja ont arrêté le curé de ladite paroisse. Des fidèles saisis pour un mouvement inhabituel qui sont venus dans la paroisse vont aussitôt lancer l’alerte. « Des hommes au bord de 4 pick-up aux vitres teintés viennent d’enlever Abbé Madou », nous écrit un fidèle. La nouvelle de cette arrestation sera diffusée par nos confrères de la Fm Liberté puis relayée par des médias en ligne.

Mais le gouvernement parle de son côté d’une arrestation régulière. « Le gouvernement apporte un démenti formel aux allégations (…) faisant état de l’enlèvement de l’abbé Madou, (…), par des individus armés. Ces allégations sont fausses et ne reflètent en aucun cas la réalité des faits », dément le ministre des affaires étrangères, de l’Intégration africaine, des Tchadiens de l’étranger et de la coopération internationale, par ailleurs porte-Parole du Gouvernement.

D’après Abderaman Koulamallah, l’abbé Madou a été interpellé de manière régulière et dans le strict respect des procédures judiciaires en vigueur. « Cette arrestation fait suite à une enquête approfondie, menée par les autorités compétentes, suite à des propos récurrents tenus par l’abbé Madou, incitant à la division et mettant en péril la cohésion nationale. Les propos incendiaires de l’abbé Madou constituent une atteinte grave à la loi et à la paix sociale, et ont ainsi motivé une action légale conformément aux lois de la République », ajoute-t-il, tout en assurant que le prêtre est en train d’être dans le cadre de cette procédure judiciaire régulière. Mais peut-on arrêter nuitamment sans aucune plainte ? Interrogé par nos confrères de Tchadinfos, le procureur de la République près le tribunal de grande instance de N’Djamena Oumar Mahamat Kedelaye, a indiqué qu’aucune « plainte n’a été enregistrée » contre le curé.

Une sortie qui gêne

Connu pour son franc-parler et ses diatribes vis-à-vis du régime, le curé n’a pas mâché ses mots pour dénoncer le projet de l’ordonnance no 001/PR, portant composition du parlement. Dans les colonnes de nos confrères de N’Djaména-Hebdo, Abbé Madou Simon-Pierre qualifie ce projet de « honte nationale ».

« Voici ce qui va se passer : nous aurons une assemblée nationale avec 50 députés issus de toutes provinces du sud, et 115 députés venus du nord du pays », indique le prêtre qui trouve cela grave. « Le sud très peuplé entre désormais dans l’esclavage institutionnel et constitutionnel. Et pour le sudiste, c’est terminé, parce qu’il n’y aura pas débat », s’offusque-t-il et se demande « comment 50 personnes fabriquées d’ailleurs de toutes pièces vont faire face à 115 personnes » ? Il demande au président de la République de renoncer à ce projet s’il « a encore le sens de l’unité de ce pays ». Sinon, a-t-il prévenu « je vais proposer deux choses : Je proposerai la parité mathématique nord-sud, pour gouverner le Tchad dans toutes les institutions comme un député au nord, un député au sud, un gendarme au nord, un gendarme au sud, un soldat au nord, un soldat au sud, un policier au nord, un policier au sud. Sinon je suis prêt à dire à tous les sudistes de boycotter et là on va revendiquer l’autodétermination ».

Au Tchad, ce n’est pas pour la première fois que de tels actes sont enregistrés à l’église catholique. Le 6 février 2018, des grenades lacrymogènes ont été « délibérément tirés dans la cour de la Paroisse Saint Mathias Mulumba » lors des manifestations, blessant ainsi des fidèles qui sortaient de la messe matinale. « Le 27 avril dernier, 7 véhicules Toyota des militaires de l’armée ont fait irruption dans la Paroisse du Sacré-Cœur et prétendre occuper les lieux pour se reposer ; le même jour, un autre groupe des forces de répression des manifestants ont jeté de nouveau des grenades lacrymogènes ». Et le 3 novembre 2021, des militaires armés ont investi la Paroisse Saint Isidore Bakanja et accusent les fidèles d’avoir « une attitude irrespectueuse » puis injurié et violenté, son curé Abbé Madou Simon Pierre avant d’arracher son téléphone portable.

Stanyslas Asnan