L’éducation, moteur du développement

Depuis plus de deux décennies, le système éducatif tchadien peine à adapter la formation dispensée au marché de l’emploi. Plus inquiétant encore, il se dégrade d’année en année. Des années scolaires ou académiques « normales » ayant engendré des « baisses de niveau » très décriées, l’on en vient à des années « sauvées » à la suite des grèves, dont les produits sont « totalement inappropriés à la consommation » du marché de l’emploi. Résultat : depuis 28 ans, constate l’Ecole de politique appliquée de la Faculté des Lettres et Sciences humaines de l’Université Sherbrooke de Québec (Canada), le chômage a augmenté de 270 % au Tchad.

Selon Ecosit 3, les Tchadiens sédentaires de plus de 15 ans représentent 80,3% de la population totale. Malheureusement, seulement  61,8% sont actifs. Et l’âge moyen des actifs se situe à 35 ans. Cela laisse comprendre aisément que le gros lot des chômeurs se retrouve être les jeunes de 18 à 35 ans, une tranche qui correspond à celle des élèves, des étudiants « professionnels » qui ne savent pas s’il faut sortir du système éducatif ou y rester. Après évaluation de leurs propres aptitudes, beaucoup de jeunes, plus nombreux d’ailleurs, choisissent d’y rester, afin de bénéficier de la compassion des parents et amis et gagner leur pitance quotidienne. Ceux qui parviennent à terminer « normalement » les études grossissent les rangs des chômeurs. C’est une catastrophe !

Pourtant, depuis plus d’une décennie, la communauté internationale et les pays africains eux-mêmes, reconnaissent le bénéfice à tirer du « dividende démographique » de nos Etats.  Mais ce dividende démographique ne peut être profitable qu’à certaines conditions : consacrer des « investissements constants dans l’éducation, les services de santé et les infrastructures intelligentes ». Selon les analystes de la Banque Africaine de Développement, certains pays d’Asie, à l’image de la Corée du Sud, étaient classés parmi les nations les plus pauvres du monde il y a trois décennies. Aujourd’hui, ce pays se place au 11ème rang mondial des pays économiquement développés. Ce bond est consécutif aux sacrifices consentis dans les domaines qui renforcent le capital humain. Le Tchad compte beaucoup sur la diversification de son économie pour assurer son développement et sa croissance économique. Mais comment cela peut-il être possible dans un contexte d’inadéquation entre les formations dispensées et les compétences exigées par les recruteurs ?  

 

Les chiffres flatteurs obtenus dans l’augmentation du taux de scolarisation des jeunes (et surtout des filles) cache mal ce sombre tableau du chômage des jeunes. En plus, une société tchadienne à deux vitesses se construit avec d’une part, une grande masse des jeunes issus de milieux pauvres avec une éducation médiocre et inadaptée au monde moderne du travail, et de l’autre, une élite qui aura la possibilité de s’offrir les meilleurs postes de responsabilité. Cette situation constitue sans nul doute un ferment favorable à des grognes qui peuvent se révéler très violentes. Les répressions policières risquent de ne pas suffire à les étouffer. Les événements survenus depuis quelques années dans les pays arabes du continent africain (Tunisie, Egypte, Algérie, Soudan) devraient aider à un meilleur choix de la politique en faveur des jeunes.

Par Nestor H. MALO