Conflits intercommunautaires :

L’injustice engendre la violence

Depuis la proclamation de l’état d’urgence dans certaines provinces du pays et l’opération de désarmement qui l’accompagne, l’opinion nationale et internationale s’étonne de l’énormité de la bombe cachée dans les recoins du pays. Six cent quarante huit armes de guerre dont des lance-roquettes ont été 

saisies dans le Ouaddaï, mille quarante une dans le Sila. Tout cela en l’espace de moins de 10 jours. Et l’opération ne fait que commencer. Pendant ce temps, l’on annonce l’effondrement d’une mine d’orpaillage à Kouri Bougoudi. Un orpaillage artisanal tenu par des bandes armées qui retiennent en esclavage des milliers de personnes, et défient l’autorité de l’Etat dans leur zone d’opération.

Face au nombre impressionnant de ces engins de morts disséminés au sein de la population, les questions que le commun des mortels se pose sont : comment en est-on arrivé là ? Qui fournit les armes de guerre aux populations civiles ? Pourquoi certains groupes de civils utilisent des armes de guerre contre d’autres sans être inquiétés ? Pourquoi l’opération de désarmement ne touche-t-elle pas toutes les régions où les affrontements intercommunautaires avec armes de guerre font assi de nombreuses victimes ? Ces questions, loin d’être exhaustives, amènent à remettre en question la gouvernance dans notre pays ? 

L’administration tchadienne est truffée d’individus qui n’ont absolument rien à voir dans la chaîne de commandement. Des commandants de brigades aux sous-préfets, préfets et autres catégories, on a fait table-rase de la qualification. « Les énarques ne sont pas forcément les meilleurs administrateurs », a déclaré un gouverneur lors d’une rencontre avec les chefs traditionnels, religieux et représentants des Organisations de la Société Civile. Pourtant, ce que l’on sait, c’est que lorsqu’un ignare est nommé à un poste de commandement, son atout réside dans la composition des éléments de sa cour constitués de parents et autres co-régionaires, résidents ou nouveaux, et qu’il faut protéger en habillant et armant à tour de bras. Il indéniable que certaines armes utilisées par les civils sortent des casernes officielles de l’armée. A N’Djaména, les abords de la tente abritant provisoirement les fidèles de la cathédrale Notre-Dame de la Paix en réfection montrent que les équipements militaires se vendent comme des arachides.

Ce qui est en jeu dans le drame que vivent les communautés victimes de leur ignorance, c’est le déficit éthique qui caractérise les gouvernants. La sécurité des citoyens doit être assurée par les institutions de l’Etat qui ont la mission de le faire. Déléguer cette mission aux gens sans qualification relève de la criminalité institutionnelle. De même, attiser les querelles anciennes entre communautés (dont les ressortissants aujourd’hui sont peut-être innocents) est vampirique. Les auteurs de ces actes doivent être poursuivis et châtiés au même titre que les auteurs de crimes. De nombreux cadres politiques se livrent sans inquiétude à ces pratiques en évoquant les périodes tumultueuses qu’a connues notre pays pour justifier leurs propos criminogènes. 

La situation de l’insécurité généralisée au Tchad demande que les autorités se départissent de leur tendance à favoriser la sécurité de certains groupes au détriment de celle des autres. L’injustice ne pourra qu’engendrer la violence !

Nestor H. Malo