EDITORIAL

« Si tu veux manger le hibou »

« Si tu veux manger le hibou »

Le 1er juin 2019, le « gamin » Masra Succès a déjoué la vigilance des services de sécurité en organisant sa première sortie de masse pour rendre publique la reconnaissance par défaut de son parti politique. Il a « transformé » la rencontre à laquelle quelques-uns de ses collègues chefs de partis (dont ceux au pouvoir) et certains diplomates sont conviés en un furtif meeting tenu devant la Maison de la Femme tchadienne préalablement réservée et accordée pour la cérémonie et est devenue inaccessible. « Les Transformateurs » se sont offert un bonus d’une parade à travers le centre de la capitale avant d’être dispersés à coups de gaz lacrymogène.

Cette scène a suscité l’émoi chez certains diplomates au point où l’ambassade des Etats Unis, pond un communiqué limpide. Les Américains enjoignent aux autorités tchadiennes « d’autoriser sans  délai des partis politiques qui répondent aux critères établis légalement ». Ils leur rappellent de « respecter pleinement le droit des citoyens de se rassembler paisiblement, même lorsque le but du rassemblement est de critiquer le régime et d’inciter les citoyens à voter contre le parti au pouvoir ». Des propos qui sonnent comme une gifle aux joues du pouvoir qui ne tardera pas à invectiver ces Américains qui oublient que « le Tchad est libre et souverain. Le ministre des Affaires étrangères convoque par la suite des diplomates occidentaux pour qu’ils s’expliquent sur leur présence à la cérémonie du parti « Les Transformateurs ».

Cet épisode des faits ayant marqué le début du mois de juin 2019, montre combien il est difficile pour les Tchadiens de convaincre quiconque de leur volonté profonde de s’améliorer, dans quelque domaine que ce soit. En 2017, quand l’Amérique de Donald Trump nouvellement élu a signé l’interdiction d’entrée sur le sol américain des ressortissants tchadiens pour des faits avérés qui classent notre pays parmi ceux soutenant le terrorisme, la même levée de boucliers a été observée. Dans des propos pratiquement identiques. Finalement, l’interdiction a été levée suite aux « efforts remarquables faits par le Tchad »  pour collaborer plus franchement à la lutte contre le terrorisme.

S’il est juste et bon que, par « patriotisme » et respect pour la souveraineté du Tchad, l’on rejette des injonctions venant de l’extérieur, il n’en sera que meilleur que l’on respecte les engagements  auxquels on a « librement » souscrit. La démocratie n’est pas un principe de gouvernance imposée par une puissance ; elle s’est développée et a été expérimentée comme étant la meilleure manière d’impliquer le peuple dans la gestion des affaires publiques. En l’adoptant, le Tchad se doit d’en admettre également les contraintes, somme toute nombreuses pour les tenants au pouvoir. « Si tu veux manger le hibou, n’aie pas peur de ses yeux ! » La Constitution tchadienne du 4 mai 2018 le dit bien dans son préambule.

Le terrorisme, les épidémies, les famines, et toutes sortes de calamités naturelles dont souffrent les populations constituent certes des raisons justifiables pour lesquelles le Tchad peut solliciter la magnanimité de l’étranger. Cependant, l’arbitraire, l’injustice, la corruption, la dictature, les privations des libertés, les arrestations arbitraires, les disparitions de personnes, les trafics de personnes, etc. demeurent également des calamités auxquelles sont soumises les mêmes populations. Il est légitime que des ingérences extérieures, partageant les mêmes valeurs démocratiques, s’interposent pour sauver la nation. Une personne frustrée est improductive. Il en va de même pour le peuple.

Par NESTOR H. MALO

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