EDITORIAL


Grèves :

Où sont passés les pouvoirs publics ?

 

L’année 2020 démarre avec deux grèves presque simultanées : l’une a opposé les grossistes et consommateurs des produits des Brasseries du Tchad (BDT) ; l’autre les agents de l’Etat. Pour les premiers, c’est la hausse de 150 Fcfa sur les produits de la multinationale qui a fait monter l’adrénaline dès le 6 janvier 2020, tandis que les seconds revendiquent le rétablissement des avantages coupés sur leurs salaires suite à la crise économique de 2016. Ils ont donc déclenché la grève le 7 janvier. Ces deux grèves ont quasiment paralysé les activités socioéconomiques sur l’ensemble du territoire.

Si, pour les agents de l’Etat, la grève a été levée dès le 11 janvier pour permettre le déroulement normal des activités dans l’administration publique, la seconde grève ne connaîtra son épilogue qu’un mois après de façon scabreuse. En effet, à l’adoption de la Loi de Finance 2020, rien de clair n’apparaissant dans le texte, et malgré les assurances à posteriori du Chef de l’Etat lors de son adresse à la nation le 31 décembre, la plateforme syndicale a appelé, le 4 janvier, ses membre à déclencher le mouvement le 7 janvier. Vu l’ampleur des dégâts prévisibles en laissant se perpétuer pareille situation, un protocole d’accord tombe, vite fait, dès le 09 janvier 2020 ! Les propositions concrètes du gouvernement ont convaincu les partenaires sociaux qui n’attendaient que cela.

Mais la seconde déclenchée un jour avant la seconde se poursuit. Et se durcit même par moment. Ce qui semblait d’abord une blague de mauvais goût pour les seuls consommateurs de la bière se révèlera un véritable cauchemar pour tout un pan de l’économie nationale, au regard des filières d’activités qui se greffent au commerce de la bière. Grossistes, détenteurs de bars et autres débits de boissons, fabricants de glace, vendeurs de denrées alimentaires, bouchers, charcutiers, vendeurs de poisson, vendeurs ambulants d’articles divers, conducteurs de mototaxi, de taxis et de minibus de transport en commun, etc. Chacun en a pris pour son grade. 400 travailleurs des BDT sont menacés de chômage temporaire et/ou définitif tandis que des milliers d’autres employés indirects rongent leurs ongles à la maison.

L’épilogue scabreux de la seconde grève montre que les Tchadiens ont encore du chemin à parcourir dans le combat pour recouvrer leurs droits. Un mois après le déclenchement de cette grève générale, somme toute bien suivie, des fissures ont commencé à se dessiner dans les rangs des grévistes. Des produits alcoolisés divers entrent frauduleusement par petites vagues pour « soulager » certains alcoolo-dépendants, tandis que certains grossistes chargent à nouveau leurs camions mis sur cale. Un mois d’inactivité, et donc de perte de ressources parmi les groupes les plus vulnérables de la filière ! Pour rien ! Est-ce parce que les pouvoirs publics ont gardé le mutisme le plus absolu ? Ou à cause d’un rapport de force entre les protagonistes ? 

Les deux grèves résultant des dispositions de la Loi de Finance, il serait de bon aloi que les pouvoirs publics interviennent dans ce conflit pour rétablir la vérité. Les BDT en font-elles à leur tête, ou est-ce le gouvernement qui a choisi de punir les Tchadiens d’avoir gagné la première manche du combat ? Toutefois, l’absurde, c’est de voir les Tchadiens refuser l’augmentation des prix des produits du pays et enjamber deux fleuves pour acheter, à l’étranger, au coût récriminé sur le marché national. En attendant, il est clair que nombre de petites entreprises greffées à la chaîne de l’économie ne se remettront jamais de cette crise. A qui la faute ?

PAR NESTOR H. MALO