EDITORIAL

Législatives 2020 :

Vers une Assemblée monocorde ?

 

 

 

Lors de son adresse à la nation du 31 décembre 2019, le chef de l’Etat, Idriss Déby Itno a insisté sur les prochaines législatives : « Mon souhait le plus ardent est de voir ce scrutin se tenir enfin au courant du premier semestre 2020, en tenant compte des nouveaux retards enregistrés par les instances techniques et politiques en charge de l’organisation de ces élections pendant cette période. Je veillerai pour ma part, à ce que ces élections soient libres, transparentes et exemptes de toute irrégularité ».

Cette déclaration ne tranche pas avec celles énoncées à différentes occasions solennelles, à l’instar de celle tenue lorsqu’il a rencontré les nouveaux membres du bureau politique national du Mouvement Patriotique du Salut (MPS) reçus à son domicile pour les féliciter. Il a notamment exhorté ses camarades à une franche confrontation avec leurs adversaires politiques. « Ça ne sera pas facile ; positionnez-vous dès maintenant sur le terrain pour conquérir nos différents sièges dans les différents départements, communes. Soyez de bons perdants si vous perdez, de bons gagnants si vous gagnez. »

Ces différents discours augurent des scrutins désormais libres et transparents. Cependant, ils cachent mal le malaise qui s’est emparé de la classe politique à l’adoption de la loi portant code électoral. En effet, la circonscription électorale étant le département, beaucoup d’acteurs politiques, surtout des zones densément peuplées, ne manquent pas de qualificatifs négatifs pour fustiger cette loi électorale. Alors que le Forum national inclusif dont la 4ième République tire sa légitimité fixe à 17 le nombre de provinces à créer au Tchad, celles-ci sont portées à 23 et le nombre des départements est passé de 69 à 121. Les nouvelles entités créées sont presque toutes dans les localités favorables au MPS. Ainsi, quelle que soit l’issue du vote, 101 sièges sur 161 de la future Assemblée Nationale reviendront de facto à ce parti au pouvoir.

Ce déséquilibre, déjà profitable au MPS, exclut toute velléité de fraude électorale, potentiellement préjudiciable à la gestion sereine du pouvoir conquis. Il est en même temps un puissant remède contre les partis alliés qui se verraient logiquement éconduire après plusieurs années de mariage d’intérêt, maintes fois rompu à l’approche de chaque élection législative. Mais toujours renoué à l’élection présidentielle !

La majorité absolue acquise avant scrutin par le MPS porte aussi des germes de soubresauts pour le pays. Des lois scélérates peuvent désormais être concoctées à volonté pour créer des injustices socioéconomiques. Si l’on n’y prend pas garde, elles se retourneront contre le Tchad qu’on désire « un et indivisible ». Une Assemblée Nationale monocorde ouvrirait aussi la voie à la dictature de la majorité parlementaire sur la majorité démographique.

Tout cela n’est peut-être que pure spéculation et tchado-pessimisme. Malheureusement, l’histoire du Tchad démocratique nous enseigne que les bonnes intentions sont souvent mises à rudes épreuves au moment des faits. Puisse l’avenir démentira nos appréhensions et préserver le Tchad d’un retour à une dictature au manteau démocratique !

PAR NESTOR H. MALO