EDITORIAL


Détournements des deniers publics :

Le sommeil a été trop long, trop profond

 

Alors qu’il s’apprêtait à rejoindre ses collègues ministres et camarades du parti pour célébrer le 29ième anniversaire de l’accession du MPS au pouvoir, M. Kalzeubé Pahimi Deubet, ministre d’Etat, ministre Secrétaire général de la Présidence de la République, est gentiment sollicité par la police judiciaire de la suivre dans ses locaux. Au cœur de l’interpellation, une accusation contenue dans la plainte de l’Inspection Générale de l’Etat contre l’ancien Premier de “complicité d’escroquerie, abus de fonction et tentative de détournement des deniers publics”. 

Mais déjà le 9 novembre 2019, Mme Mariam Ibet, ex-maire de la commune de N’Djaména et quatre de ses collaborateurs, ont été interpellés et placés en détention à la maison d’arrêt de N’Djaména. Cela fait suite à une plainte de l’Inspection Générale d’Etat après une enquête sur la gestion de la Commune de N’Djaména. Le 19 novembre, la même institution de contrôle adresse une correspondance au ministre de l’Economie et de la Planification du développement de justifier sous dizaine de l’utilisation de plus de 800 millions de Fcfa. « Passé ce délai, la mission usera de tous les moyens légaux pour faire entrer l’Etat dans ses droits», précise la note.  Le 29 novembre, c’est une affaire de détournement à la l’Office National pour la Promotion de l’Emploi (ONAPE) qui envoie son ex-directeur général, M. Fayçal Hassan Hissein, à Amsinéné. Il est reproché à ce dernier un détournement à hauteur de 980 millions de Fcfa dans une transaction immobilière. 

Cette vague d’arrestation apporte un grain d’espoir à ceux des Tchadiens qui croient que tout est encore possible pour que le Tchad regagne la confiance de son peuple. Elle met également à nu l’étendue du désastre de la mal gouvernance dans notre pays. En moins d’un mois, les enquêtes révèlent ainsi qu’environ quatre milliards de nos francs ont été l’objet de manipulation par des commis indélicats de l’Etat. Ces arrestations remettent aussi au goût du jour les autres cas de détournements dans d’autres marchés publics. C’est le cas pour les gestionnaires du projet de construction du nouvel édifice de l’Office National des Média et de l’Audiovisuel (ONAMA), qui d’avenants en avenants, ont fait engloutir plus de 75 milliards sans que l’ouvrage ne soit inauguré jusqu’à ce jour ! Que se passe-t-il ?

Mais cet espoir risque d’être ramolli par les douloureux souvenirs des crimes économiques restés toujours impunis, et dont l’évocation révolte plus d’un Tchadien. Pourtant, les signes apparents d’enrichissement illicite sont légion au Tchad. Le Président de la République l’a lui-même reconnu dans une déclaration après sa visite sur les ruines des entrepôts de la douane de Nguéli ravagés par un incendie en avril 2012. « Voyez les villas qui sont construites à N’Djamena. Elles appartiennent à de jeunes fonctionnaires qui gagnent moins de 200.000 FCFA. En plus, ils roulent dans de grosses cylindrées (…) Il faut récupérer tous les biens de l’Etat, maison ou véhicule mal acquis », avait tonné Idriss Déby Itno. C’était il y a sept ans ! 

La crise économique s’est abattue sur le Tchad deux ans plus tard. Aujourd’hui, les partenaires sociaux attendent de se voir rétablis dans leurs droits par rapport aux sacrifices concédés consécutivement à cette crise économique depuis 2016 mesures. A cet égard, aucun centime récupéré sur les détournements des deniers publics ne serait superflu ! Pourvu que cela soit effectif, non sélectif ni électoraliste ! Le sommeil a été trop profond !

Nestor H. Malo