Un goulot d’étranglement des écoles

Les établissements scolaires implantés dans le département de Dourbali éprouvent d’énormes difficultés dans leur fonctionnement à cause du non versement des subsistes aux maitres communautaires et du crédit de fonctionnement.

Créé le 11 février 2019 en lieu et place de l’ancienne sous-préfecture de Dourbali, le département de Dourbali est l’un des quatre départements de la province du Chari-Barguirmi ; il compte 17 682 habitants. Sur le plan scolaire, le département abrite l’Inspection pédagogique de l’enseignement primaire Maïdala qui gère, sur le plan administratif, 64 établissements scolaires repartis sur l’ensemble de la circonscription. Pour l’année scolaire 2019-2020, les écoles ont enregistré en tout 3784 élèves, dont 2173 garçons et 1611 filles. 43 enseignants y dispensent régulièrement les cours. 4 autres agents contractuels sont récemment affectés à l’Inspection dont 2 viennent juste de prendre service ; les deux autres se font toujours attendre, note le planificateur HAMIT MADAOUA Jacob. Le département héberge aussi trois établissements secondaires. Il s’agit notamment des  lycées de Klessoum,  de Linia et du lycée bilingue de Dourbali.

Des dates aléatoires de démarrage des cours

Selon le planificateur que nous avons rencontré le 16 mars 2020, les cours ont démarré dans la commune de Dourbali avec un mois de retard sur le calendrier scolaire, précisément au mois de novembre. Par contre, dans les villages et les campements, la rentrée a eu lieu un peu plus tard, entre décembre ou janvier. « Tantôt ce sont les enfants qui sont aux champs avec les parents, tantôt ce sont les enseignants qui ne sont pas sur place », justifie le Secrétaire Général du département, M. MADJIREBAYE Romain. Dans certains endroits, les salles de classe sont construites en pailles. Les gens attendent la récolte pour récupérer des tiges de mil pour bâtir ces salles de classes. Il a fallu qu’on organise aussi des séances d’informations à tous les niveaux regroupant les autorités administratives, traditionnelles et coutumières ainsi que religieuses pour que les parents laissent les enfants venir à l’école, confie le Secrétaire Général du département.

Sur les 64 établissements scolaires, 21 écoles ont ouvert effectivement leurs portes et le reste demeure toujours fermé, déclare HAMIT MADAOUA Jacob. Raison évoquée, « depuis 2014 les maitres communautaires observent une grève pour réclamer le paiement de leurs subsides ». Conséquence, des milliers d’écoliers qui fréquentent ces structures de formation, sont abandonnés à leur triste sort.  « Souvent, dans nos rapports de fin d’année, nous faisons des suggestions à nos autorités hiérarchiques qui tardent à réagir », souligne le planificateur. Pourtant, « tout Tchadien a droit à l’instruction », stipule l’article 38 de la Constitution du 4 mai 2018.

Une autre difficulté, l’Inspection pédagogique de l’enseignement primaire Maïdala ne bénéficie pas de crédit de fonctionnement. « Depuis que je suis en poste, nous n’avons pas eu de subvention de l’Etat », avance le technicien. « Avec la crise financière que nous connaissons en ce dernier temps, les services publics déconcentrés accèdent rarement aux subventions de l’Etat», confirme le Secrétaire Général du département. La loi de finances alloue des crédits aux départements ministériels sur la base de leurs besoins exprimés, y compris les frais de fonctionnement. Généralement, le crédit de fonctionnement permet aux établissements scolaires de s’équiper en moyens matériels et didactiques de travail, faire le suivi pédagogique, réaliser des petits travaux d’entretien, etc. Or, depuis quelques années, les structures de formation fonctionnent sans ressources publiques. Du coup, l’inspection pédagogique manque de fournitures scolaires, rame de papier, stylo, bref, les manuels didactiques. Toutefois, elle a reçu au cours de cette année scolaire une seule rame de feuilles de la Délégation provinciale de l’enseignement, souligne HAMIT MADAOUA Jacob. A cause de cette situation, les activités pédagogiques ne se déroulent pas correctement sur le terrain. « Pour visiter les écoles, nous payons de nos poches le carburant et les calepins pour la prise de notes », fulmine GABA MAMARANG, responsable du secteur pédagogique n°1 de Dourbali. Celui-ci dit que les conseillers effectuent des tournées dans les secteurs avec leurs propres engins.

Des sacrifices personnels pour maintenir les activités

Selon le planning annuel des activités pédagogiques établi, l’inspection organise chaque fin de mois une formation sur des thèmes variés à l’intention des enseignants. Ces thèmes sont arrêtés par rapport au constat fait sur le terrain lors du suivi des activités. Figurent sur le planning les thématiques suivantes : « les techniques d’élaboration d’une fiche de leçon de morale au C.E ; les techniques d’élaboration d’une fiche de calcul au C.E ; les techniques d’élaboration d’une fiche de leçon d’écriture ; les technique d’élaboration d’une fiche de dessein, etc. ». La réalisation des activités pédagogiques éveille la conscience professionnelle des maîtres, car l’enseignant, dit-on, doit être en perpétuel formation. «Les enseignants conviés, versent chacun 500 francs pour la maintenance ; chacun doit également apporter son cahier de notes », déclare le responsable du secteur d’animation pédagogique n°2 Bougoumène, M. TIMARIKREO DOUDANDI. « Normalement, les activités commencent en octobre, mais faute de moyen, nous avons accusé un retard dans l’exécution du planning », ajoute le responsable pédagogique.

Même son de cloche du côté du Lycée bilingue de Dourbali. Selon le Censeur du second cycle GOLTANA Maurice, le lycée n’a pas de crédit de fonctionnement. Le groupe électrogène qui alimente le lycée en électricité et en eau, est tombé en panne, mais sans possibilité de réparation. Cela engendre une pénurie d’eau mettant en difficulté les élèves qui peinent à s’alimenter en eau potable. Le groupe a une grande capacité pour alimenter toute la ville en électricité. «Nombreux sont des élèves qui prennent d’assaut notre résidence pour se désaltérer », note GOLTANA Maurice. En sus de cela, « les frais de saisie des textes et d’impression des bulletins de note, les fournitures de bureau sont à la charge de la direction du lycée. Aussi, nous sommes obligés de payer les crédits de communication avec nos propres moyens », mentionne le Censeur.

Le Lycée bilingue de Dourbali abrite le collège d’enseignement général (CEG). Cet établissement flambant compte 21 salles de classe logées dans plusieurs bâtiments distincts. Il y a aussi un bloc administratif plus des logements du personnel. Onze enseignants dont 3 contractuels assurent les cours au second cycle. Ces derniers sont en grève pour exiger le paiement de leurs salaires. L’un des 2 enseignants en philosophie est reparti à l’école. De plus, il manque des professeurs en mathématique, science de la vie et de la terre (SVT), en anglais depuis la rentrée. « Nous avons émis le besoin à nos supérieurs ; nous avons également mis à contribution des parents d’élèves, mais pas de réponse », annonce GOLTANA Maurice, Censeur du second cycle. Résultat, certains enseignants interviennent à la fois au collège et au lycée.  « Nous sommes vraiment inquiets du sort de nos enfants qui préparent le bac », se plaint le responsable.

De belles bâtisses dépourvues de matériels

Bâti sur un vaste domaine situé à l’entrée ouest de la ville, le Lycée bilingue est un joyau structural qui donne l’allure d’une ville moderne à Dourbali. Or, au fur à mesure que l’on traverse la ville, ce chef-lieu du département ressemble fort bien à une bourgade. Toutefois, le lycée n’est pas bien équipé. Les tables-bancs sont en nombre insuffisant. Actuellement, certains élèves s’asseyent à même le sol pour étudier, affirme le censeur. Les bureaux ainsi que le laboratoire ne sont pas équipés en matériels, Le laboratoire est dans un état de délabrement total et laissé à la merci des termites et autres rongeurs. « La direction du Lycée ne dispose pas de moyen pour effectuer des travaux de réparation. L’argent des inscriptions est entièrement englouti dans la réparation du groupe électrogène et l’achat du gasoil  », indique le censeur qui informe aussi que la bibliothèque créée par les jeunes de Dourbali n’est pas bien fournie. 

Sur tout autre plan, le censeur souhaite l’ouverture d’un centre d’examen pour le bac à Dourbali pour alléger la souffrance des candidats. « Nos élèves composent le bac dans les différents centres de N’Djaména. Certains qui ne connaissent pas la ville éprouvent de difficultés à repérer leur centre. Parfois, ils sont égarés. Ajoutés à cela, les problèmes d’hébergement et de transport qui coûtent chers aux parents », plaide GOLTANA Maurice.

Alphonse Dokalyo