Université de N’Djaména : Quand la machette remplace le stylo

Le 26 octobre dernier, lors d’une réunion de l’Union Nationale des Etudiants du Tchad (UNET), section de N’Djaména, tenue au sein du campus universitaire de Toukra, une violente bagarre a éclaté. Elle a opposé deux camps de cette structure de défense des intérêts des étudiants tchadiens. Bilan : deux étudiants blessés à coups de machette sont conduits dans les structures hospitalières pour y subir des soins appropriés. 

Et ce n’est pas pour la première fois que cela se produit. Un an plus tôt, précisément le 1er septembre 2018, une attaque similaire déclenchée dans l’enceinte des facultés d’Ardep-Djoumbal lors de la semaine de citoyenneté a alité le président de l’UNEET qui a essuyé cinq coups de couteau sur différentes parties du corps et un coup de machette à la tête. Descendu sur les lieux du drame, le ministre de l’Enseignement Supérieur, de la Recherche et de l’Innovation, Dr. Houdeïngar Ngarimaden, a déclaré : « Ce qui s’est passé est inadmissible. Ces étudiants ont agi dans des buts inavoués. Des sanctions seront prises avant la rentrée. Les auteurs seront confiés à la justice ». Ce qui semble bien compris. Sinon, comment un lieu de formation supérieure peut-il se transformer un champ de bataille où interviennent des armes blanches ?

La violence a atteint toutes les couches du pays et s’est introduite dans le milieu estudiantin en trainant son cortège de malheurs. Si, dans les communautés rurales et agraires, l’on justifie les conflits armés par la recherche du contrôle sur les espaces vitaux, dans le milieu estudiantin, où l’arme la plus appropriée est la force de l’argumentation pour triompher de son adversaire, il est incompréhensible qu’on recoure à l’argument de la force. Généralement, dans pareilles circonstances, un camp accuse l’autre d’illégitimité, de jouer les taupes d’une force occulte. Et ce n’est certainement pas tout faux. 

Certains hommes politiques et organisations socioprofessionnelles manipulent à temps et à contre temps l’opinion pour s’attirer des sympathies, notamment chez les jeunes dont le poids démographique pèse très lourd sur la balance lors des échéances électorales. Depuis la relance de la machine électorale avec des contours qui se précisent progressivement autour des législatives, une certaine fièvre s’empare des états majors politiques qui multiplient les congrès et les stratégies. Tout le monde se (re)fait une virginité pour attirer, pourquoi pas, cette tranche très importante de l’électorat. 

Les étudiants, comme tout citoyen tchadien, ont le droit d’embrasser la religion, le parti politique ou l’association de leur choix. Ils doivent cependant garder à l’esprit qu’ils ont aussi la construction du Tchad de demain, dans la cohésion et la paix. Le moment viendra où les rênes du pouvoir d’Etat seront entre les mains cette génération en formation actuellement. Il est impératif qu’ils jettent eux-mêmes les jalons d’une cohabitation pacifique, avec comme seules armes leurs stylos et la force de leurs arguments. On ne peut reprocher aux aînés leurs bellicismes aux effets nocifs sur la jeunesse et reproduire les mêmes schémas. Qu’on ne l’oublie pas : un des points de départ de l’embrasement du Tchad en 1979 a été un établissement de formation. 

Nestor H. Malo