Le traitement de l’information, les méthodes de travail et le tirage et les recettes des journaux sont impactés sérieusement par la pandémie du nouveau coronavirus.

La pandémie liée au nouveau coronavirus impacte lourdement sur tous les secteurs de la vie socio-économique. Le secteur des médias en prend un rude coup. Certains responsables des journaux éprouvent d’énormes difficultés à honorer leurs engagements vis-à-vis de leurs partenaires. Ils ne peuvent plus assurer la paie régulière de leur personnel. « Le marché publicitaire s’est rétréci comme peau de chagrin et les factures impayées s’entassent. Cette situation ne permet pas de joindre les deux bouts » a déclaré le Directeur de Publication (DP) de N’Djamena-Hebdo M. Djendoroum Mbaininga.

La presse fait face à la pandémie, malgré ses moyens dérisoires

Selon le DP de l’hebdomadaire l’Observateur M. Samory Ngaradoumbé, « les ventes ont considérablement diminué, entrainant logiquement la baisse des tirages pour satisfaire les abonnés. C’est une infime partie qu’on vend ». La foule ne se bouscule pas au niveau du rond-point du centenaire, lieu habituel de vente des journaux sortis des imprimeries, explique-t-il, tout en indiquant que malgré toutes ces difficultés, les responsables de la presse n’ont pas baissé les bras. Ils continuent à traiter les questions relatives au COVID19 dans  leurs différentes parutions. En outre, la distribution pose de sérieux problèmes, car on ne peut plus envoyer des journaux dans certaines villes à l’intérieur du pays, ce qui  fait qu’ils ne parviennent pas à écouler nous  révèle enfin le DP de l’Observateur.

Malgré cette précarité, les journaux en papier comme ceux en ligne ont su réadapter leurs contenus  en prenant à bras le corps la question de la lutte contre la  pandémie du coronavirus. Certains journaux ont consacré des pages entières aux mesures barrières édictées par les autorités pour prévenir la propagation de cette pandémie. « Nous couvrons toutes les activités liées à la prévention malgré les difficultés auxquelles nous faisons face » ajoute le Directeur de publication du journal Mirador, M. Lebnoudji Tah Nathan.

Le Comité de gestion de la crise sanitaire mis en place par le président de la République en  lieu et place de la cellule de veille qui a été critiquée pour son laxisme,  a été interpellé par les patrons des médias privés du Tchad. Ces derniers se sont fendus en communiqué conjoint pour interpeller le nouveau comité de gestion sur leur sort.

La recherche d’informations rendue difficile

« Cette crise qui bouleverse le monde impacte sérieusement la nature et la qualité de l’information par ce que le travail des professionnels de l’information devient très compliqué, voire difficile en raison de la quasi-impossibilité de se déplacer sur le terrain. Du coup, certaines informations sont recueillies par téléphone ou par internet », renseigne le Président Directeur Général du Groupe Média Vision Plus, M. Allahondoum Judas.  C’est une nouvelle épreuve que le secteur des médias est en train de traverser, a confié le Directeur de Publication de « Sarh Actu », M. Edouard Takadji, un journal qui paraît à Sarh, chef-lieu du Moyen-Chari. Pour lui, dans le cadre d’une urgence sanitaire publique, une information fiable et exacte est vitale pour les populations mais, les autorités n’ont pas accordé d’importance à la presse.

Un autre  ancien journaliste estime  que si cette situation perdure, il faudra s’attendre à la disparition de certains titres qui peinent à paraître même en temps normal. Il a ajouté qu’il n’est pas exclu que certains patrons réduisent l’effectif de leurs personnels. D’ailleurs, certains ont déjà libéré tous les stagiaires et autres pigistes en ne gardant que les permanents, renseigne  M. Allahondoum Judas Président  Directeur Général du Groupe Média Vision Plus.

Pour les responsables des journaux que nous avons contactés, pour mieux vulgariser les mesures vitales prises par les autorités pour combattre la pandémie, on devrait en principe organiser des ateliers afin de mieux outiller les journalistes pour leur permettre de s’approprier les informations mises à leurs dispositions par le comité scientifique et autres médecins. Lors de ces ateliers, les journalistes devront revisiter les codes d’éthique et de la déontologie afin de ne pas tomber dans le sensationnel. Les informations fiables qu’ils distillent peuvent rassurer les populations gagnées par la psychose. Ils peuvent aussi déjouer les « Fake News » et les intoxications qui peuvent semer la panique au sein des  populations.

La presse croule sur le poids de la dette

Les patrons de la presse sont unanimes : ils sont en difficulté, certains sont criblés des dettes. D’autres sont incapables d’aller à l’imprimerie à qui ils doivent beaucoup d’argent. Certains ont affirmé que si le Comité de Gestion de la Crise Sanitaire  ne leur vient pas en aide, ils vont mettre la clé sous le paillasson. Comme le corps soignant et les forces  de défense et de sécurité, les journalistes peuvent être aussi qualifiés de soldats de la guerre contre la COVID-19. Il serait judicieux d’intégrer les médias dans le plan de riposte contre cette pandémie. Dans leur communiqué conjoint en date du 16 Mai 2020, paraphé par l’Association des Editeurs de la Presse Privée au Tchad (AEPT), le Patronat de la Presse Tchadienne (PPT) et la Convention  des Entrepreneurs de la Presse Privée au Tchad (CEPPT), les patrons de la presse interpellent le gouvernement à se pencher sur la situation sanitaire, sécuritaire et économique des différentes rédactions. Plus concrètement, ils demandent la dotation en matière de sécurité à toutes les rédactions de N’Djamèna et des provinces. Ces organisations professionnelles des médias plaident pour une subvention exceptionnelle aux organes de presse pour leur permettre de faire face à la crise économique. Elles exhortent le Gouvernement à leur délivrer des autorisations spéciales pour leur permettre de circuler à l’intérieur du pays et les badges pour la collecte des informations et la distribution des journaux. Les signataires de ce document plaident aussi pour la subvention des produits (journaux) aux bénéficiaires (lecteurs). Ils estiment que leur cri d’alarme aura un écho favorable auprès du comité de gestion de la crise sanitaire.

L’appui matériel et financier du gouvernement est salutaire

Dans le même sillage de la presse écrite, l’Union des Radios Privées du Tchad (URPT) et les chaînes de télévision privées « ELECTRON TV » et « Al-Nassr », dans un communiqué, attirent également l’attention du gouvernement sur leur situation. Elles menacent de  ne plus couvrir les activités liées à la pandémie du coronavirus si leurs doléances ne sont pas prises en compte. Le communiqué a été signé par le Président de l’Union des radios privées du Tchad(URPT) M. Mekondo Sony, Djégoltar Armand et Aboubakar Borgo, respectivement Président Directeur Général d’Electron TV et de la télévision Al-Nassr. Ces responsables ont rappelé que depuis l’annonce de l’apparition, le 19 Mars 2020, du premier cas de coronavirus au Tchad, ils ont été en première ligne malgré leurs moyens dérisoires pour couvrir et diffuser des messages de sensibilisation des populations.

En somme, la crise du coronavirus constitue un tournant décisif pour les médias et c’est  à travers leur travail de sensibilisation qui va permettre à nos populations de se prémunir et se mettre à l’abri  contre la propagation de cette pandémie dont ni le vaccin ni le traitement curatif n’ont été trouvés.  C’est pourquoi, tous les responsables des journaux en papier et ceux en ligne sollicitent l’appui matériel et financier du comité de gestion de crise sanitaire afin  de continuer à informer les populations des mesures barrières qui sauvent. Est-ce le début de la disponibilité d’écoute lorsque des représentants de la presse publique et privée ont été intégrés dans des commissions spécialisés mises en place par décrets ?

Laldjim Narcisse MBainadji