L’année 2020 s’achève comme elle a commencé. Avec les espoirs d’un lendemain meilleur, mais aussi avec les inquiétudes d’un lendemain incertain ! Les meurtriers affrontements intercommunautaires à l’est du pays ont connu une accalmie grâce aux mesures d’état d’urgence instaurée dans certaines provinces et la note circulaire interministérielle interdisant la pratique de la « dya ». De même, les accords signés entre le gouvernement et les syndicats dès les tout premiers jours de l’année 2020 ont mis terme à une année 2019 marquée par des mouvements sociaux consécutifs aux revendications syndicales.

Mais l’espoir n’aura été que de courte durée, car dès le 19 mars, l’annonce du premier cas de la Covid-19 sur le sol tchadien a ramolli les ardeurs : le gouvernement n’a pas tardé à prendre des mesures conséquentes tendant à limiter la propagation de la pandémie venue de la Chine. Etat d’urgence sanitaire, couvre-feu nocturne dans certaines localités, fermeture des commerces et établissements scolaires, etc. ont donné une douche froide aux Tchadiens, à l’économie nationale, et aux activités politiques. Les derniers mois de l’année se sont assombris par la résurgence des conflits intercommunautaires encore plus virulents, qui ont éclaté dans plusieurs endroits du pays. Alors même que le chef de l’Etat, en visite pré-électorale dans le Tchad profond, appelle à la cohabitation pacifique entre les Tchadiens !

En effet, le drame qui se joue actuellement dans plusieurs provinces du pays, sous le couvert de conflits intercommunautaires, était prévisible et inévitable. Il est la résultante d’une gouvernance à tâtons, d’une injustice érigée en règle. Conscients de son acuité et de l’urgence à lui apporter une solution durable, les Evêques du Tchad ont vertement interpellé le président de la République, Chef de l’Etat, le 11 décembre 2020 dans leur traditionnel message de Noël : « Nous en appelons à votre responsabilité et à votre autorité pour vous  investir personnellement afin de faire cesser ces conflits qui n’ont que trop duré et causé du désordre dans notre pays. Nous croyons que seule votre implication, comme vous l’avez démontré ailleurs, pourrait décanter la situation puisque toutes les autres solutions ont déjà montré leurs limites. » (cf. texte intégral en pages 22-23). Et cela après que l’Eglise catholique du Tchad, par la voix de l’Archevêque de N’Djaména, Mgr Edmond Djitangar Goetbé, le 8 mai 2020, a attiré l’attention du gouvernement sur d’éventuels conflits qui naitraient entre les éleveurs et agriculteurs au début et à la fin de la saison des pluies.

Une inquiétude que les Tchadiens seraient heureux de voir se dissiper, serait la chape de plomb qui s’abat sur les conditions d’exercice de leurs droits civiques et citoyens, dans un contexte dit de démocratie. Les mesures sécuritaires prises contre la propagation de Covid-19 ont, dans une large mesure, servi de prétexte pour la confiscation des libertés fondamentales et la violation des droits citoyens. Et ce contexte ne présage rien de bon à la veille de cette année électorale 2021. A l’allure où vont les choses, comment les formations politiques pourraient-elles organiser leurs campagnes tandis qu’on assiste à une remontée en flèche des contaminations à la Covid-19 ? La tradition voudrait qu’on soit optimiste au début de chaque passage d’année. Cependant, le contexte tchadien nous conseille la prudence. Bonne année 2021 quand même à tous les Tchadiens ! Sacrée (fin d’) année 2020 !