Un mouroir pour des opposants ?

Les opposants africains sont devenus des parias. Humiliés, embastillés, surveillés et placés parfois en résidence surveillée et leurs passeports confisqués par les satrapes des régimes en place, ils vivent une galère sous les tropiques.

Les régimes aux manteaux démocratiques qui sévissent en Afrique utilisent tous les moyens pour étouffer leurs opposants qui leur ôtent le sommeil.  Ces opposants sont soumis à des tracasseries de tout genre.  Ils sont interdits de sortir du territoire national, privés de leurs passeports par les sbires du régime.  Ils sont parfois assignés à résidence surveillée ou bien séquestrés dans leur résidence. Le cas le plus illustratif est celui du président du Mouvement pour la Renaissance du Cameroun (MRC)  Maurice Kamto. Ce professeur de droit connu pour ses critiques acerbes le régime au pouvoir à Yaoundé  est devenu une bête à battre par les caciques du pouvoir. L’ancien doyen de la faculté de droit de l’Université  de  Yaoundé I  qui a été brièvement membre du gouvernement est devenu un farouche opposant en se lançant à la conquête du « Palais d’Etoudi ». Il est traité de tous les noms par les partisans du pouvoir qui ne ratent aucune occasion de lui faire voir de toutes les couleurs.

Des leaders de l’opposition arrêtés et malmenés

Il en est de même en Côte d’Ivoire où les opposants au régime du président Alassane Dramane Outtara  ont été malmenés et embastillés. Ces opposants ont eu l’outrecuidance de dénoncer  son troisième mandat. Selon eux, la constitution interdit au président Ouattara de rempiler pour un troisième mandat. Toutes les contestations et manifestations organisées pour dénoncer ce fait  se sont soldées par environ quatre-vingt morts, selon certaines sources. En dépit de cela, le président ivoirien, a organisé l’élection et l’a  gagnée avec un score à la soviétique : plus de 94% des voix.

Après les résultats du scrutin du 31 octobre 2020, l’opposants Pascal Affy Nguessan  de la branche du Front Populaire Ivoirien (FPI) a été arrêté pour avoir annoncé au cours d’une conférence de presse que la coalition de l’opposition allait porter sur les fronts baptismaux un conseil national  de transition pour pallier la vacance supposé du pouvoir.  Ce conseil  sera dirigé par l’ancien président de la République Henri Aimé Konan Bédié. Cette annonce a irrité le pouvoir qui n’a pas hésité à lancer des policiers à ses trousses ; ils ont mis le grappin sur lui  avant de l’emprisonner dans un lieu tenu secret. Ce même sort a été réservé au secrétaire Général du PDCI/RDA (Parti Démocratique de Côte d’Ivoire/ Rassemblement Démocratique Africain) Maurice Kacou Guikahué, bien que son immunité parlementaire n’ait pas été levée par l’Assemblée Nationale. Entre-temps leurs résidences ont été assiégées par les forces de l’ordre. Il a fallu attendre la rencontre inédite entre l’ancien président Henri Aimé Konan Bédié et Alassane  Dramane Ouattara pour lever le blocus imposé autour de leurs maisons.

Des militants emprisonnés ou tués

En Guinée/Conakry, tout n’est pas aussi rose pour l’opposition au régime d’Alpha Condé, un vieil opposant arrivé au pouvoir par la voie démocratique mais qui s’est mué en dictateur selon ses contempteurs. Son principal opposant El-Hadj Cellou Dalein Diallo, leader de l’UFDG (Union des Forces Démocratiques de Guinée) est devenu le souffre-douleur de son  régime. Ses militants sont arbitrairement arrêtés, emprisonnés et torturés. Certains ont été même tués par les forces de l’ordre à la gâchette facile.  Il faut rappeler que le parti de Cellou compte le plus de militants et appartient au regroupement dénommé le Front national pour la défense de la constitution (FNDS). Le climat est devenu invivable à le veille de ce scrutin d’octobre dernier. Le Professeur Alpha Condé, contre toute attente, brigue un troisième mandat au terme d’une modification de la Constitution qui a provoqué une levée de boucliers dans les rangs des forces vives de la nation.

Des opposants réduits au silence 

En Ouganda, le chanteur et artiste Bobby Wine alias  Robert Kyagulanyi, un empêcheur de tourner en rond, est souvent brutalisé par les satrapes du régime du président Yoweri Kaguta Museveni. Le président ougandais, Yoweri Museveni, un ancien maquisard de l’Armée Nationale de Résistance (NRA) qui s’est emparé du pouvoir le 26 janvier 1986, tient Ouganda de main de fer. Il ne tolère aucune voix discordante. Son médecin personnel, le colonel Kizza Bisigye en sait quelque chose.  Depuis qu’il  est devenu  son principal  opposant et qui  a tenté à plusieurs reprises de lui ravir sa place  lors des scrutins présidentiels précédents, l’homme a subi toutes les tracasseries de la part des forces de sécurité sur ordre de son allié. Il a fait la  prison et a été sauvagement torturé par ses geôliers. Cette fois-ci, il a décidé de jeter l’éponge. Bobby Wine,  lui, a été arrêté pour la énième fois  à la veille de la présidentielle qui profile à l’horizon. Ses partisans ont été tués et certains grièvement blessés au cours de la campagne cours,  dans un climat de terreur et de violence gratuite. Bobby Wine incarne la nouvelle génération. Son message est bien accueilli auprès de  la jeunesse en quête d’un changement de logiciel de gouvernance. Pour lui, les intimidations d’un dictateur finissant n’entameront en rien sa détermination à conduire le peuple ougandais au changement. Le Président sortant se targue d’avoir ramené la paix et réalisé la croissance économique partagée par tout le monde.

Au Congo-Brazzaville, les opposants sont également traqués et arrêtés par le régime du Général Sassou Nguesso au pouvoir depuis quarante  (40) ans.  Un de ses opposants qui a osé le défier dans les urnes a appris à ses dépens. Depuis la publication des résultats de la présidentielle de 2016, le Général Jean-Marie Michel Mokoko est emprisonné sous prétexte qu’il cherchait à prendre le pouvoir par les armes.  Depuis cinq (5) ans, cet ancien Chef d’Etat Major Général des armées congolaises croupit en prison sans jugement. Une proposition de reconnaître la victoire du président sortant lui a été en échange de sa libération, ce qu’il a refusé. En dépit des protestations des défenseurs des droits humains et de la communauté internationale, le régime est resté de marbre  et l’opposant continue de subir les affres de la prison par la volonté de son adversaire.

Même son de cloche au Rwanda où le Général major Paul Kagamé ne tolère pas les activités des opposants. Victoire Ignabiré a été accusée par le régime de négationniste et a purgé une peine de quatre ans avant de bénéficier de la grâce présidentielle. D’autres  ont péri en prison, certains qui n’ont pas la chance sont même traqués et assassinés dans leur lieu d’exil. C’est le cas de Patrice Karayéga en Afrique du sud  où il a été étranglé dans un hôtel de Pretoria   par des inconnus que tout le monde soupçonnait d’être des  partisans du régime de Kigali. L’ancien chef d’Etat major de l’armée rwandaise, le Général Faustin Kayumba a échappé à plusieurs tentatives d’enlèvement  en Afrique du Sud.

Des opposants traqués et les sièges de leur parti quadrillés par la police

Au Tchad, les opposants ne jouent pas  aussi véritablement leur rôle de contre-pouvoir. Ces derniers temps, ils sont traqués par la police. Leurs domiciles sont régulièrement quadrillés par les forces de l’ordre, et leurs sièges violés. C’est le cas de l’Union Nationale pour le Développement et le Renouveau (UNDR) de M. Saleh Kebzabo dont les forces de l’ordre ont fait irruption au siège de son parti et ont intimé l’ordre aux membres du bureau exécutif en réunion de déguerpir.  Le siège des Transformateurs a été plusieurs reprises violé par les forces de l’ordre qui ont dispersé les militants en utilisant des grenades lacrymogènes. La résidence du président des transformateurs a été encerclée par la police.  Cette même scène s’est passée chez le leader du PLD (Parti pour les libertés et le Développement) Mahamat Ahmat Al-Habo.

Après ce petit tour d’horizon, l’on se demande pourquoi les régimes au pouvoir craignent-ils tant leurs opposants en utilisant les moyens parfois les plus immoraux pour les réduire au silence ? Pourquoi, le plus souvent, à la veille des consultations électorales, ils multiplient les arrestations arbitraires et créent un climat d’insécurité permanent ?  A quand prendra fin la galère des opposants Africains ? Aujourd’hui, la montée en puissance de la jeunesse s’accompagne de plus en plus d’une soif du changement. Beaucoup de régimes africains l’ont déjà expérimenté, à leurs dépens. C’est une nouvelle donne à prendre en compte.

Laldjim Narcisse