L’apparition au début de l’année 2020 de l’épidémie due au SARS CoV-2 représente un défi majeur pour toute l’humanité. Mais encore plus pour notre pays qui a besoin d’unir toutes les forces vives de la nation à la réflexion et à l’action…

Le Covid-19 constitue une grande menace pour la sécurité de la vie des personnes, leur santé mentale et physique, mais aussi pour le développement économique et social de tous les pays. Pour une fois, ce virus a montré combien l’humanité a un destin commun et doit être solidaire. Des pays les plus démunis, n’ayant pas assez de moyens pour faire face aux besoins élémentaires de l’homme que sont la nourriture, le logement et les soins médicaux, jusqu’aux grandes puissances du monde qui prétendent disposer de tous les moyens, même de la dernière technologie en matière de santé, le désarroi est total : le virus pénètre indistinctement tous les pays et met à terre les systèmes de santé mis en place. Chaque pays y va de sa manière pour le combattre et parfois à arme inégale.

Ainsi, nous avons appris que certains pays s’en sortent à travers une bonne organisation. Par contre, d’autres, dans un cafouillage total, ont montré à la face de l’humanité une cacophonie et une fébrilité indescriptibles. Tel en est le cas du Tchad qui n’a pas développé des strates de mesures à mettre en place. A partir de tous ces ratés connus dans notre pays, que devons-nous (comme communauté nationale) faire, dans l’avenir, non pas pour nous prémunir contre toute contagion d’un autre virus, mais contre toute autre adversité de quelque nature que ce soit.

Une règle d’or : rigueur et discipline

Au regard de ce qui se fait à travers le monde pour faire face à la propagation de la maladie du Covid-19, les autorités tchadiennes ont mis en place une cellule de veille chargée de prendre des mesures pour contrer la propagation du virus. Au-delà de la bonne volonté de ces dernières à juguler le mal, il a manqué de la rigueur et de la discipline tant au niveau des autorités que de la population. Si aujourd’hui, la Chine est parvenue à contrer le mal et à le circonscrire dans un espace déterminé, c’est grâce à la rigueur dans l’application des mesures. L’autre facteur de la réussite des mesures mises en place est la discipline de sa population. Nous pouvons tirer comme enseignement que dans toute œuvre à entreprendre, il faut allier rigueur et discipline. Or, au Tchad malheureusement, ces notions de rigueur et de discipline ne sont pas les bienvenues dans notre mode de fonctionnement. Tout se fait « à-peu-près dans le désordre ». Les exemples sont légion et il est inintéressant d’en citer quelques-uns.

La discipline est caractérisée par la mise en place des règles de conduite communes aux membres d’un corps ou d’une collectivité et l’obéissance à ces règles. Si une communauté ne parvient pas à mettre en place les règles de discipline et à les observer de façon rigoureuse, et ce, à tous les niveaux, aucun développement ne peut se pointer à l’horizon. Le comportement disciplinaire ou bien la discipline doit constituer une matière à enseigner dans les établissements et écoles professionnelles du Tchad. Un cours de recyclage ne serait pas de trop pour les personnes en activités. Si nos sociétés ancestrales ont évolué et traversé les épreuves du temps, c’est grâce à la discipline dans leur conduite. Les règles de vie commune sont méticuleusement observées. Avec la modernité, tout semble relatif et l’individualisme prend toute la place au détriment de la communauté. Ainsi, même ceux qui sont chargés de faire observer les règles de discipline choisissent seulement ce qui les arrange et deviennent de facto plus indisciplinés et l’on se retrouve dans un cercle vicieux.

L’autoritarisme et l’arbitraire ne peuvent plus prospérer

Si les mesures prises par les autorités devraient permettre de protéger la population contre la contagion du virus du Covid-19, leur application a dérapé. Plusieurs voix se sont élevées pour revendiquer l’implication les leaders d’opinion et de la société civile dans les décisions et le suivi de leur application. L’idée du monopole exclusif de la gestion des affaires publiques par les représentants politiques est de tout temps et en toute circonstance remise en causepar la jeunesse. Les affaires de la cité ne concernent pas exclusivement les personnes officiellement désignées à cette cause. Or, ces dernières ont un langage et des comportements violents entraînent plutôt la révolte de la population. Dans le contexte de cette pandémie, la population tchadienne est triplement victime : d’abord victime d’une contagion au virus face auquel elle est démunie ; victime des mesures drastiques prises par le gouvernement pour lutter contre la propagation de ce virus sans mesures d’accompagnement et, enfin victime de la répression aveugle des forces de l’ordre chargées de faire respecter les mesures.

Pourtant, dans de pareilles situations, la présence des représentants des pouvoirs publics auprès des populations devrait leur inspirer confiance et les encourager à rester vigilants face à la contagion. Malheureusement, nos autorités ont montré leur vrai visage forgé par l’autoritarisme et l’arbitraire, laissant la place à la désinformation et au contournement des mesures. La volonté des autorités d’arrêter la propagation du virus par des mesures prises sans discernement a déjà fait plus de mal avant que le mal même ne s’installe. Le discours officiel est toujours sujet à interprétation et ne convainc plus. La seule voie possible qui vaille est l’instauration d’une démocratie à la base où les citoyens se sentiront concernés par la gestion de la chose publique et seront engagés à collaborer parce que leur voix compte. S’obstiner à conduire les affaires publiques par la violence conduira inévitablement à une explosion de la colère de la population longtemps résignées et poussées à son dernier retranchement. Il n’est jamais trop tard pour nos autorités de reconnaitre leurs erreurs et parvenir à les corriger.

Une nation à la place d’un agrégat de communautés

L’apparition de la pandémie du Covid-19 a resserré les liens d’unité, de fraternité et de solidarité au sein de certaines nations ; à la base, il y a donc des sentiments solides d’appartenance à une même nation, l’existence des droits et des devoirs communs à tous sans exception, le sentiment d’appartenance à un groupe uni et l’acceptation de participer à la vie collective. Ces éléments conduisent à l’affirmation de soi et à la reconnaissance de l’autre. Malheureusement, le Tchad peine depuis son existence à fonder une nation dont la population exprime une identité collective qui transcende les identités communautaires. Déjà, au niveau national, chaque fois qu’une province, un département ou une localité est frappée par un quelconque évènement malheureux, le reflexe connu, c’est de convier les ressortissants de cette zone pour réfléchir sur la manière de répondre aux conséquences de cet évènement. Jamais une mobilisation nationale n’est sollicitée ni envisagée, soit par orgueil des concernés soit à cause de l’indifférence qu’affichent les autres vis-à-vis de l’épreuve.

Notre pays dont le premier mot de sa devise est l’Unité a tout sauf l’unité de sa population. Les communautés continuent par se regarder en adversaires et souvent une simple étincelle suffit à embraser le brasier. Les autorités politiques sont alors aptes à réprimer de façon maladroite en cas de survenance d’un conflit. On oblige les belligérants à faire une réconciliation de façade mais au fond, chacun prépare sa revanche sur l’autre. Telle est notre société mal préparée à faire face à une menace grave (excepté militaire) venant de l’extérieur. Il est aujourd’hui plus qu’urgent que les autorités montrent une véritable voie de la construction d’une nation tchadienne.    

La pandémie du Covid-19 invite à une réflexion systémique pour évaluer nos capacités dans les différents secteurs, en tant que nation tchadienne à faire face à un péril d’où qu’il vienne. Même si aujourd’hui, il est difficile d’apprécier la riposte tchadienne face à la pandémie du Covid-19, la population, s’en remet à la providence divine.

 

Banhoudel Mékondo